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Stanislas Engrand

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02 Jan 2020

Sauvé Par Les Livres II

Sauvé Par Les Livres

II

Là tout autre chose m’attendait. Les rues sont étroites, les maisons de pierre sont anciennes. Le pavage est fait de petits galets, peu agréables aux pieds si vous êtes chaussé de sandales mais d’un charme fou du point de vue esthétique. Ces calades forment parfois des motifs élaborés et donnent aux rues un air minéral. Entre les maisons qui se font face, des arcatures servent à fortifier les murs. Elles ajoutent un élément esthétique au charme de l’ensemble même si leur vocation d’étayage est à l’origine purement utilitaire.

Mais c’est à la nuit tombée qu’opère vraiment la magie. Des lampadaires anciens, discrets, d’une lumière jaune très douce et peu puissante, contribuent à donner aux rues un air moyenâgeux. Je ne pense pas qu’il y ait lieu de s’émerveiller du moyen-âge en soi mais l’émerveillement vient de l’impression de pouvoir remonter au moyen âge le temps d’une promenade, le décor stimulant l’imagination. Bien sûr ce n’est qu’une illusion mais il est merveilleux de se projeter dans d’autres temps, d’autres vies que les nôtres. L’illusion est d’autant plus forte que les siècles ont modifié les lieux et que ce que l’on voit aujourd’hui, est une accumulation d’éléments architecturaux d’époques différentes. Mais l’esprit humain a besoin de représentations et c’est agréable de se laisser porter par ces dernières sans être dupe.

Je suis resté à Rhodes pendant dix jours qui m’ont permis de parcourir de long en large les rues de la veille ville et de n’emprunter les rues touristiques qu’en cas de nécessité. Chaque passage aux mêmes endroits prenait une dimension différente. On ne peut tout voir à la fois. On ne peut d’un seul regard embrasser toute une rue, tout un paysage. Notre perception est sélective, et notre mémoire ne retient qu’une partie de ce qui se présente à notre vue. D’ailleurs, avez-vous remarqué ce phénomène étonnant : quand on parcourt un chemin dans un sens et, qu’après demi-tour on le parcourt en sens inverse, on découvre nombre de détails qui nous avaient échappé. C’est ainsi que j’aimais, durant mon séjour parcourir ces rues d’allure antique à la nuit tombée. Peu de passants, quelques promeneurs échappés de la nuée touristique, des chats en grand nombre qui ne semblent loger nulle part mais que tout le monde nourrit et quelques chiens nonchalants qui vivent en bonne entente avec les félins. En revanche il y a tous les soirs des habitants assis devant chez eux, buvant, fumant ou les deux à la fois, papotant ou jouant à quelque jeu. Ce qui me surprend toujours avec les Grecs est qu’ils parlent très fort, utilisant une gestuelle qui peut paraître agressive pour un Français : gestes démonstratifs nombreux et rapides du bras ou l’index tendu vers l’interlocuteur. Non, ce n’est pas une rixe qui se prépare puisqu’en tendant l’oreille j’entends « nai, nai » qui malgré la sonorité évoquant notre « non » signifie « oui ». Et puis viennent des sourires et des tapes dans le dos qui confirment  qu’aucune rixe n’est en préparation et que c’est normal. « Nai » s’accompagne généralement d’un hochement de la tête de droite à gauche qui est un signe d’insistance positive, à l’inverse de notre code gestuel. De haut en bas, c’est non et de côté c’est oui. Une anecdote : il y avait tous les soirs un groupe de deux femmes et un homme, toujours assis un peu serrés, dans le même ordre, au même endroit, muets et immobiles, comme une jardinière de fleurs. Mon diable intérieur qui n’en rate jamais une m’a soufflé : « t’as vu, il faudrait peut-être les rempoter ces vieux, ils manquent de place…».

Ma pratique du Grec était encore assez balbutiante et il ne m’était pas facile d’entreprendre des discussions avec les habitants. Ils parlent plus ou moins l’Anglais mais s’il est aisé de demander son chemin, plus difficile est de discuter avec les habitants, des mœurs de leur pays ou de leur histoire. Saluant souvent les mêmes personnes, les visages me furent rapidement familiers mais, malgré  nos échanges de « kalinikta » , « bonne nuit », les échanges n’allaient pas plus loin.

Mais un soir, un vieil homme qui faisait une partie d’échec avec un ami  devant une librairie encore ouverte, me héla en Français après que je les eus salué d’un "geia sou" (salut).

Suite demain 03/01/2020.

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01 Jan 2020

Pour les vœux 2020, une Nouvelle : Sauvé par les livres

Depuis le 23 décembre, je n'ai plus publié mon journal. Je suis arrivé en Italie le 23 et en France le 26. Un blog qui porte le nom de "Ma vie en Crète", s’accommoderait mal du journal de ma vie temporaire en France au mois de janvier. En revanche, ayant décidé d'écrire une nouvelle à l'occasion des vœux comme je l'ai longtemps fait jusqu'en 2015, avant ma retraite, je remplace mon journal par cette dernière dont j'ai eu l'idée en Crète et que je prends le temps de mettre par écrit durant mon séjour français. Elle s'appelle "Sauvé par les livres" et je la publie à partir d'aujourd'hui quotidiennement sous forme de courts épisodes en lieu et place de mon journal.

 

Sauvé Par Les Livres

I

L’histoire que je vous rapporte ici m’a été racontée par un vieux libraire qui venait de fêter ses 89 ans. Je fis sa connaissance l’année dernière au mois de septembre 2019 à l’occasion d’un voyage dans les îles grecques, avant de me rendre en Crète où j’avais décidé d'habiter. J’avais pris plusieurs ferries pour les Cyclades puis pour le Dodécanèse dont fait partie Rhodes. L’île est belle mais sa capitale qui porte le même nom (sans que je puisse vous dire laquelle est éponyme de l’autre, cf. "le mot du jour"), est défigurée par ces flots humains, qui descendent des cars de tourisme, eux-mêmes vomis en masse par d'immenses bâtiments de croisières low-cost mondialisées.

Dans Socratou odos, la rue Socrate, vous ne pouvez marcher à votre rythme ; c’est le flux des touristes qui impose le sien. De part et d’autre de votre chemin, des échoppes vous proposent les mêmes produits que dans tout autre lieu touristique et fabriqués en Chine. Produits de mauvaise qualité, souvent laids - au demeurant pas plus que les touristes qui les achètent - et souvent de mauvais goût, comme ces porte-clefs ithyphalliques (cf. le mot du jour) qui font florès. Bien sûr, il est facile de se moquer de ces gens que vomissent les ferries et les cars, qui sentent les mêmes huiles solaire et portent les mêmes tongs. On leur a vendu une croisière, un produit comme dit le marketing ; ils y ont englouti pour la plupart leurs économies. Qui donc me donne le droit de critiquer ces braves gens qui se sont saignés pour une "croisière de rêve" ? Ma réponse est simple : je fais attention à ma manière de voyager. D’aucuns peuvent me traiter de faux-cul puisque je fais aussi du tourisme, mais je m’efforce de quitter les sentiers battus, trop organisés, bêtifiants et énergivores, les croisières ineptes où l’on trimballe sur l’océan des piscines, des casinos, des buffets-à-volonté dont la moitié sera jeté. Bref, on peut faire du tourisme en s’efforçant de le faire intelligemment. Mais mes doutes subsistent quant à la motivation de la plupart, quand j’entends cette affreuse formule : « l’été dernier j’ai fait Rhodes, l’année prochaine je ferai la Croatie. Tu as fait Bali ?», etc. On ne voyage plus, on fait tel pays. Figure imposée des agences de voyage.

Quand je suis arrivé à Rhodes par ferry, après une nuit de mauvais sommeil sur le pont du bateau, faute d’argent pour me payer une cabine, j’ai eu l’impression d’étouffer. C’était à la mi-septembre 2019, il faisait encore très chaud et la foule était comme un bloc compact dans une procession dont le but paraissait moins de visiter la ville, que de faire du lèche-vitrine le long des échoppes standardisées. Les musées me furent des refuges. Heureusement pour l’histoire et la culture, il y avait en leur sein du monde mais pas de foule. Ces touristes là avaient sans doute une approche intelligente du tourisme et le sens de la découverte. Bref je respirais dans ces lieux avant de découvrir plus en profondeur les rues de la veille Rhodes. Et curieusement au moment où je commençais à respirer, un petit diable intérieur me dit : « dis donc vieux schnoque, tout ça c’est normal, cherche bien. Il y a une anagramme de Rhodes qui t’expliquera pourquoi tout ce monde »

Suite demain 02/01/2020.

 Le, ou la première qui m’envoie la solution de l’anagramme dans la rubrique « commentaires » aura droit à un exemplaire gratuit de la nouvelle quand je la publierai en version papier.




Commentaires


01/01/2020 20:45
Philippe fortin

hordes en phase avec toi évidemment

profil 02/01/2020 08:14

Salut Philippe. Tu as gagné. Bises à toi et Guylaine.


01/01/2020 21:44
Nicolas

Horde

profil 02/01/2020 08:17

Salut Nicolas. Philippe a répondu avant toi. Je t'embrasse.


03/01/2020 21:07
Claire

HORDES

profil 04/01/2020 21:36

Oui : les hordes de Rhodes. Bises


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23 Dec 2019

23 décembre

Le 21 je devais prendre le ferry  à Igoumenitsa (nord-ouest de la Grèce) pour Ancône ("milieu" de la côte est de l'Italie), afin de réduire les trajet en voiture vers Prulla dans la maison de Marc et Katia. Sinon il faut passer par Bari au sud dans les Pouilles ou Brindisi, encore plus au sud. Économie de fatigue d'environ 400km.

Parti des Météores vers midi j'avais tout mon temps et prévoyais une visite de Janina (Ioanina) sur ma route. Drôle de ville, au bord d'un lac qui fait penser à ceux d'Annecy ou Genève. Avec restos, cafés et terrasses partout sur le bord. Assez charmant sauf qu'il pleuvait et que le vent commençait à souffler sérieusement. Mon chapeau m’en fut témoin. C'est un bon anémomètre. Quand il s'envole, je sais que le vent commence à se lever... A part le lac et un vieux petit quartier derrière un reste de château et des bouts de remparts et une petite mosquée byzantine transformée en musée, pas grand chose d'intéressant. Sauf ce deux roues génial à capote, ici très répandu (ça doit aussi très bien jouer l'anémomètre). Donc repli sur un bar salon de thé, où un chocolat chaud et un copieux baklava me réconfortèrent, d'autant que comme souvent dans ce genre de bar-pâtisserie, le chocolat était servi avec un morceau de gâteau léger (cf. photo).

Puis je repris la route vers Igoumenitsa. Plus besoin d'anémomètre, les informations autoroutières signalaient des vents violents. La trajectoire de la voiture s'en ressentait sérieusement et je dus réduire ma vitesse aussi sérieusement.

Arrivée à Igoumenitsa sous la pluie et la tempête qui se levait. Ça promettait une traversée houleuse et je me félicitais d'avoir réservé une couchette qui m'éviterait le mal de mer. Il faisait un temps de chien (je plains les canidés) et les ferries avaient du retard. J'étais arrivé comme prévu 2 heures avant le départ fixé à 11h30. Inorganisation totale : aucun agent portuaire, une fois les guichets et contrôles passés. Je me mets dans la seule file d'attente. Un ferry arrive, qui n’était pas le mien, puis manœuvre et revient pour s'amarrer un peu plus loin. Une file de camions me cache en partie les autres quais mais, vers 11h30 arrive enfin mon bateau. Il se présente vers la file des camions dont aucun ne bouge. J'envisage d'aller me présenter mais impossible de dégager la voiture, coincée par les autres, devant, derrière et sur les côtés. Le temps que j'y aille à pied, il était parti. Je me dis qu'il allait faire comme le précédent une manœuvre. Eh non !  Il avait vraiment largué les amarres. Je trouve enfin un agent du port qui me dit que je n'avais plus qu'à changer mon billet pour Bari. Ce que je fis évidemment en me forçant à rire de crainte d'en pleurer. Consolation, l'échange se fit sans problème bien qu'avec une compagnie différente. Ceci dit je me suis vraiment pris à rire de la situation : j'avais mon ferry sous les yeux et je l'ai loupé. L’explication, outre l'inorganisation portuaire qui aurait dû susciter ma vigilance, est qu'il y avait peu de passagers et encore moins de véhicules pour Ancône. Donc embarquement super rapide comme la compagnie en question "Anek-superfast". Le trajet en voiture depuis Bari vers Prulla s’annonçait fatigant (800km). Heureusement, au nord de Rome le temps était magnifique.

Marc m'a très gentiment réduit le trajet en me proposant de dormir à Florence dans leur appartement dont les voisins avaient la clef. 120km de moins dans ces circonstances c'est une manne. Douche, dîner d'un Prosecco et des petits sandwichs d'apéro du bar sur la place à côté. Dodo à 9h30 d'une traite jusqu'à 6h30. frais comme un gardon (idée de "mot du jour", d'où vient cette expression ?). Ce matin, temps magnifique à Florence comme en témoigne la photo depuis la terrasse de l’appartement, pas terrible (la photo, pas l'appartement), où malgré toits et antennes on aperçoit Fiesole sur la colline.

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21 Dec 2019

21 décembre

Brouillard rapidement dégagé ce matin, ce qui m'a laissé le temps de visiter un dernier monastère dont une monographie sur le web m'avait alléché hier soir alors que je pensais quitter rapidement les Météores ce matin. C'eût effectivement été dommage de le rater. C'est le monastère de Varlaam qui je mets au sommet de tout (c’est le cas de le dire). L’église du Grand Monastère (GM) est beaucoup plus riche que celle de Varlaam mais ce dernier est beaucoup plus intéressant à visiter. Ses fresques sont en moins bon état mais possèdent le charme un peu suranné des vieilles choses patinées et légèrent écaillées. Léglise est très intéressante par son architecture, comme deux églises collées l'une à l'autre (cf.photo). Le Narthex semble être son jumeau et possède aussi une coupole. Il possède en outre un  plus riche musée que celui de GM et il possède des photos d'archives ainsi qu'un film ancien montrant la vie monastique et notamment le fonctionnement du filet (monte-homme/charges). Le fléchage du monte-charge ou filet, indique "to the net". A première vue on se demande ce que le web vient faire ici. Non, non, c'est comme au tennis, c’est le filet, métonymie du monte-charge (cf. Photo du cabestan dans la pièce où se trouve la plateforme du''net'''). Et cerise sur le gâteau de magnifiques toilettes...

Enfin, quand on voit la taille de la barrique, il n'y a pas de doute les moines aiment le vin et devaient avoir très soif. L'un d'entre eux m'a indiqué qu'ils étaient actuellement 11. 1100 litres chacun...

J'ajoute la photo de la crèche géante dans une grotte. Magnifique et saisissante idée et c'est encore plus beau la nuit, quand elle est lluminée mais difficile à ''photosmartphoner''.

Cette fois, j'arrête. Je vais doucement rouler jusqu'à Igoumenista en visitant sur la route Janina (Ionina) connu à cause d'Ali Pacha et... le comte de Monte Christo.

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20 Dec 2019

20 décembre

J'ai pu visiter deux monastères aujourd'hui malgré le brouillard. Ca avait un côté "Le nom de la rose". Pour aller vite à ce que j'ai vu de plus beau, c'est l'église du monastère de la Transfiguration, dit Grand Météore, historiquement le premier des monastères, construit par Saint Athanase au sommet d'un "pain de sucre" assez large et trappu, de 600m de haut. Contrairement aux autres églises, qui sont souvent très petites, celle-là est assez vaste et c'est un enchantement visuel. Des fresques partout, des icônes, un lustre de très grande circonférence encore en usage avec des bougies. Des encensoirs et autres objets de culte, manifestement en or et en argent pour certains. Les fresques d'un grand Narthex représentent des scènes de décapitation, de supplices divers des saints. Les scènes sont répétitives mais parfois drôles par leur naïveté (celle-ci par exemple : un martyr qui courbe la tête, un bourreau qui tend son épée et un personnage - femme ou homme ? - qui tient une bassine pour récupérer la tête, tous trois ayant l'air de jouer gaiement leur rôle) mais les couleurs sont magnifiques et de l'ensemble, si l'on fait abstraction de la violence et de la cruauté des représentations, émane une sensation de calme et de paix. Malheureusement prendre des photos dans l'église est interdit. Le monastère possède par ailleurs un musée riche de fabuleux ouvrages anciens originaux ; un cellier qui sert de mini-musée des travaux de menuiserie et charpenterie. On y voit une barrique enserrée dans des presses de mise en forme (cf. photo ici autorisée). On découvre aussi une antique cuisine (photo). Et un truc marrant : une sorte de gong en bois (photo) qui évoque une sorte de très long joug, sur lequel on tapait avec un maillet pour appeler aux offices, aux prières et aux repas. Dans un long couloir sont exposées des représentations des deux guerres mondiales, pourquoi ici ? Je n'ai pu résister à joindre ici la photo d'un tableau représentant un nazi qui tombe dans un ravin en essayant de hisser son drapeau en haut d'un météore. A l'entrée du monastère est exposé l'ancien cabestan qui permettait de treuiller les filets à pèlerins et à approvisionnement.

Le deuxième monastère que j'ai visité s'appelle Rossanou et, contrairement à celui du grand Météore, celui-ci est petit. Son principal intérêt est dans sa situation vertigineuse au sommet d'un pic relativement étroit. Vertige garanti à ceux qui y sont comme moi, sujets. L'église, petite et sombre possède de très belles fresques. C'est une particularité des églises orthodoxes, aujourd’hui encore, que j'aime beaucoup : tous les murs et plafonds sont peints.

A 18 heures j'ai rendez-vous pour l’apéro avec Tomasz qui est polonais et qui a fait des études à Rennes. Je l'ai rencontré au Grand Météore. Il circule pour un temps en train et en vélo. Dans les météores, ça développe les mollets. J'ai découvert son blog, de grande qualité (il est peintre et pratique la vidéo) dont voici l'adresse : https://be-amazed.com

Demain sera mon dernier jour de l'année en Grèce. Nous nous embarquons ma voiture et moi à Igoumenitsa à 23h30 pour Ancône. Après-demain soir je serai à Prulla chez Marc.

J'ai mis, dans la rubrique "réflexion", un court article sur le mot "oxymore". Le prochain sera "hypocoristique".

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