27 Sep 2025

APESANTEURS

Le tableau en photo de titre est de Sandra Fourny  (https://www.sandrafourny.com)

 

Apesanteurs (20 textes, 6€ + frais d'envoi) est sorti le mardi 23 septembre dernier. Pour toute commande, me contacter par courriel : stan.engrand@gmail.com

En voici des extraits :

 

GUENON À Cholé Moglia, Lagrasse août 2025

Elle monte le long de la corde,

aspirée vers le haut de la potence courbée,

s'installe, écoute, s'équilibre,

regarde la foule

retenue par le silence.

 

Comme un singe,

Elle se suspend d'une main, d'une jambe,

pivote avec lenteur,

s'allonge sur le ventre.

 

Elle nous déséquilibre, on a peur.

Du silence bruisse une pensée :

si elle tombait ?

 

Ça n'arrivera pas,

elle seule le sait.

Elle se rêve guenon,

un singe ne tombe pas.

 

Chloé, silence, écho des étoiles,

dans la nuit qui tombe à Lagrasse

je rêve avec toi d'apesanteur.

 

 

CE SONT DES COULEURS À Sandra Fourny

Ce sont des couleurs que tu me donnes,

bleus turquoise, bleus ultramarins,

bleus d'apesanteurs, de glace, de lagons,

de soleils radieux, de noirs orages

de chutes d'eau en fils argentés,

ce sont les bleus de mes îles.

 

Bleus d'Islande, bleus arctiques

bleus de Crète et de mer Égée

sur le mur blanc du salon.

 

 

LE JAPON ME PARLE TOUT BAS

Le Japon me parle tout bas.⁹

Dans le silence de Teshima se taire est la règle.

Je me recueille dans le temple blanc,

légère bulle géante lovée dans le vallon.

Des gouttes perlent du sol,

ruissellent sur une infime pente,

se réunissent en lacs minuscules.

 

Sakurajima fume à bas bruit.

Musique des eaux brûlantes.

Face au volcan les corps nus se délassent

silencieux dans les bains chauds.

On ne parle pas dans les onsen.

 

Tokyo Fukuoka, Kyoto,

dans les villes, le soir, déambulent

les foules libérées du travail.

Dans les rues, les métros le bruit se défoule.

 

Le Japon me parle tout bas.

 

COMME LE BRUIT DE LA MER

Comme le bruit de la mer et comme le feu,

comme les vagues,

comme la musique et comme la lumière,

comme l'océan délivré de la pesanteur,

j'aime la légèreté des vibrations,

des résonances entre éveil et sommeil

quand tout se fait correspondance.

 

Et quand la nuit ajoute ses phares au bruit de la mer,

je sens sur moi le souffle de l'univers.

 

 

ETRE UNE PIERRE

J'étais installée là sans l'avoir choisi.

Un jour, fragmentée par un bulldozer j'ai été déplacée.

Je me souviens de chaque fragment de moi, minéral amputé.

Mon aventure a commencé au centre de la terre.

Douleurs insupportables, compressions, mouvements telluriques,

des millions d'années durant.

 

Être pierre n'a rien de facile, se trouver là ou ailleurs, est-ce le hasard ?

On passait sur moi sans prendre en compte ma présence ancestrale.

Durée incommensurable pour toi.

 

Toi qui m'a recueillie, n'oublie pas d’où je viens.

 

 

TELESCOPE

Au tempo du télescope,

traquer les lumières fossiles

et parcourir l'univers

où le nord n'existe pas.

 

Regarder sur la voûte céleste,

comme une paroi de caverne,

images et symboles projetés.

 

Inventer une boussole

pour comprendre les signaux

qu'envoie l'univers.

 

 

MARAIS SALANTS

C'est marée basse, le traict du Croisic s'est vidé,

spatules, aigrettes, fouillent la vase,

pêcheurs à pied ramassent coques et palourdes.

 

Dans le silence étendu du marais

les paludiers cueillent le sel.

Gestes sûrs d'un ballet réglé, effluves iodés.

 

Un héron marche lentement dans les couleurs irisées d'un œillet,

des mouettes piaillent dans une vasière rouge de salicornes,

une colonie de sternes criaille d'amours et de bagarres.

 

Quand vient le soir, les couleurs rougissent

et les ombres agrandies par les rayons déclinant

se faufilent entre les taches de lumière.

 

 

 

 

Commentaires


17/09/2025 22:25
Simatos

un vocabulaire recherché au service d'une poésie élégante, parlante, qui, telle un tapis volant, me fait prendre de la légèreté et de la distance avec les représentations habituelles d'un monde dit inamical. Merci Stan

profil 26/09/2025 12:33

Merci de ta fidélité de lecteur. Ton commentaire me touche.


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