20 avril 2021 au cap Fréhel et à Saint Cast
Le phare en contre-jour
Le fort Lalatte depuis le cap Fréhel
La plage de Saint Cast vue de la pointe de la Garde
La villa (anciennement hôtel) Ar Vro depuis la pointe de la Garde
Stanislas Engrand
Le phare en contre-jour
Le fort Lalatte depuis le cap Fréhel
La plage de Saint Cast vue de la pointe de la Garde
La villa (anciennement hôtel) Ar Vro depuis la pointe de la Garde
J'avais entrepris d'écrire un blog lors de mon séjour en Crète de septembre 2019 à décembre 2020. Je l'ai naturellement arrêté à mon retour.
J'ai néanmoins décidé de tenir un blog "général" comme une sorte de journal pour publier au gré des jours des articles sur des sujets divers mais principalement autour de mes productions littéraires : roman en cours, nouvelles, poésies. Mon blog de Crète devient ainsi une catégorie de mon blog actuel. Vous pouvez le retrouver en cliquant sur le bandeau du haut sur "Crète 2019/2020, ou encore à chaque écran dans catégories où sont regroupées touts les thèmes autour desquels j'ai publié un ou des articles.
Nous passons Monique et moi le confinement à Saint Malo dans le quartier de Saint Servan, près de la tour Solidor. En photo principale, les fameux brise-lames de la grade plage du Sillon à l’est de la ville close, Intra-muros. Il fait très beau mais froid. Depuis dix jours le vent du nord est glaçant le matin mais à partir de midi on sent bien gagner petit à petit un climat de printemps. Il y a pire lieu pour le confinement que cette partie des Côtes d’Armor même si nous avons dû modifier nos projets lors de l’annonce de ce nouveau confinement. Nous nous promenons beaucoup avec deux destinations de prédilection : l’estuaire de la Rance qui va jusqu’à Dinan et la partie de la côte située entre Saint-Malo et Cancale. La photo ci contre est celle de la baie de Saint Suliac à 10km en amont de Saint Malo. Un ancien village de pêcheurs, magnifique, estampillé "plus beaux villages de France".
En voyant des Doris, petites barques à la proue et la poupe relevées, ancrées dans le port j'ai pensé aux pêcheurs d'Islande de Pierre Loti, qui partaient pêcher la morue. C'étaient des barques à fond plat, maniables et facilement empilables sur les grands trois mats morutiers. Ils étaient deux par Doris, en pleine mer pour une journée entière et certains ne revenaient pas.
Je suis souvent venu à Saint Malo et Cancale, villes emblématiques de la Bretagne nord mais je n’étais jamais allé me promener entre les deux. La côte est parcourue par un GR particulièrement bien entretenu qui permet de découvrir des criques, des plages de sable très fin et des anses très belles, avec des dunes entretenues et surtout protégées. De nombreux pins surplombent la côte découpée et lui donnent un air presque méditerranéen. La couleur de la mer est magnifique, entre vert et bleu selon les fonds et le ciel. Pas par hasard qu'on parle de côte d'émeraude.
Recevez mes vœux pour cette nouvelle année. A cette occasion, je vous offre un texte poétique/philosophique sur le silence dont notre monde a oublié la valeur. Je me sens en permanence en butte à des cacophonies de toute provenance, comme s'il fallait absolument occuper l'espace sonore.
Et vous ?
Voici donc ÉPILOGUE CRÉTOIS suivi de ÉLOGE DU SILENCE.
ÉPILOGUE CRÉTOIS
Un jour que le coucher de soleil était particulièrement beau, depuis la terrasse de ma maison crétoise, je me suis dit que j’allais écrire un poème pour parler de mon émotion face à ce spectacle unique et pourtant quotidien.
Comme j’avançais dans l’écriture, j’eus de plus en plus l’impression de répéter ce que d’autres avaient déjà dit. Impression de n’avoir rien de nouveau à écrire.
Comme souvent lorsque j’écris, j’ai changé l’angle de démarrage, raturé, recommencé. Toutes les tentatives restaient infructueuses. Jamais je n’avais rencontré pareille résistance du sujet. Comme une pierre que le ciseau du sculpteur ne parvenait pas à entamer.
Las de ces échecs, je me suis résolu à ne rien écrire sur le coucher de soleil. Alors c’est le silence qui m’a inspiré, thème particulièrement actuel tant l’espace médiatique et politique sont encombrés de discours cacophoniques.
J’ai vécu de longs moments de silence lors de mon séjour en Crète. J’ai pu le sentir, l’écouter, le goûter, le toucher. Il n’est pas unique, il est multiple comme les vents rarement absents de l’île. Si le Meltem, vent du nord domine dans la mer Égée, le vent peut aussi venir des autres directions, avec ses rythmes et ses tempos.
Ainsi comme le vent, le silence peut-il être chaud ou froid, long, violent, menaçant. Il peut être doux comme le Meltem qui apporte un peu de fraicheur quand le temps est chaud mais menaçant, en automne, soufflant en rafales accompagnées de pluie et d’orage.
Le silence, comme le vent parle mais il faut le traduire pour le comprendre. Les marins savent apprendre le vent. J’ai essayé d’apprendre la musique du silence.
ÉLOGE DU SILENCE
Le silence, divers comme le vent et le soleil
Comme la pluie l’orage et la neige
Est porteur de couleurs, de mélodies
Enveloppées de mystère.
Il peut être Infernal et désespérant
Mais toujours demande à être compris.
Il faut du temps, de la patience pour l’aimer,
Il nous apprend à méditer
l’existence de la minute comme le poids des ans.
Ami intime de notre pensée,
Il aime sa compagnie.
Essentiel à la musique
Il est présent dans les mélodies
Il enseigne qu’il faut se taire
Pour gouter la beauté qui les empreint.
Celui du réveil, n’est pas celui du soir,
Ni de la nuit ni du quotidien,
Ni du feu ni du sommeil.
Chacun porte ses mots, simples paroles
Arias ou cantates sublimes.
Le silence nous mène à l’oubli du tumulte
Des verbeux palabres.
Il balaie sans coup férir l’inanité des histrions,
Les cacophonies.
Doux, triste, joyeux, inventif, inouï,
Il n’est jamais indifférent
A qui prend le temps d'écouter.
Demain, lundi 14 décembre, c’est le grand départ. Depuis trois jours le vent est au sud, froid et par moments violent. Ça souffle en rafales et refroidit la maison par la façade la plus exposée, surtout notre chambre à l’étage qui est orientée au sud. Il pleut énormément par grains parfois violents et il y a eu de beaux orages. Une consolation : hier une éclaircie avec des rayons de soleil a provoqué un arc-en-ciel particulièrement beau. On croirait une passerelle entre les deux versants de la vallée. Il a été capté juste à temps par Monique, avant qu’il ne disparaisse. La photo des oliviers est d’elle aussi, c’est l’oliveraie en contrebas sud de la maison dans un jeu d’ombre et de lumière. Monique a un véritable talent pour la prise de photo, la saisie d’instants, la recherche du cadrage. Sur la dernière photo, la cueillette des olives.
C'est donc demain que prendra fin mon installation en Crète qui aura duré 15 mois. C'est un peu dur de quitter un lieu si beau où j'ai eu tant de plaisir dans des choses simples : le soleil et la mer, les randonnées dans des paysages magnifiques. Mais je reviendrai. D'avoir tenu un blog durant tout ce temps fut une contrainte mais ça permet de tout retrouver plus tard.
Demain soir ferry pour Le Pirée depuis Heraklion puis Patras au nord du Péloponnèse puis deuxième ferry pour Ancône (près de 24 h de traversée). Puis remontée vers Bologne, Parme, Turin, tunnel du Fréjus pour aller ensuite à Valence chez Mériem.
Nous avons fait provision d’oranges pour ne pas oublier leur goût délicieux et de citrons du jardin. Les citrons ont ici une finesse de goût que je ne connaissais pas avant de venir en Crète.
Très beau temps durant deux jours comme au printemps. Plein soleil et déjeuner sur la terrasse sud de la maison.
Mais en dehors de cette exception le temps est maussade et/ou changeant. Le soleil se couche maintenant à 17h30 derrière les montagnes. Alors la chaleur de la journée tombe très vite vers 16°, ce qui me direz-vous n’est déjà pas si mal. Je ne me plains pas rassurez-vous mais en Crète ou ailleurs, je déteste de plus en plus l’hiver. C’est plus la lumière qui me manque que la chaleur même si je déteste le froid.
Les orangers croulent sous le poids des oranges. Les orangeraies sont magnifiques. Nous cueillons des kilos de fruits pour faire des confitures (Monique) et des oranges confites (votre serviteur).
Les oliviers eux aussi croulent de fruits. La récolte a commencé et les oliveraies sont pleines de cueilleurs qui peignent les arbres à l’aide de leurs perches électriques alimentées par des groupes électrogènes. Sur les routes, ce sont des allées et venues de pick-up qui chargent les lourds sacs de jute pleins d’olives pour les apporter aux pressoirs qui fonctionnent en feu continu. Ce sera comme ça jusqu’en janvier. Dès que les olives sont récoltées, les cultivateurs taillent les arbres. Les bruits des groupes électrogènes sont remplacés par ceux des tronçonneuses. Par la suite les rameaux sont brûlés et les grosses branches sont débitées en bois de chauffage pour l’année prochaine.
Nous préparons doucement le retour et je fais le point sur tout ce qui va me manquer, tout en appréciant d’avoir tenu ce blog qui me fera un album de souvenirs et de photos.
J’ai lu récemment un livre assez étonnant de Laurent Mauvignier, Histoires de la nuit, qui se passe sur 24 heures et qui raconte une soirée étrange entre des personnages frustes et des quantités de non-dits qui conduisent à un drame sous des allures parfois grotesques. Le style est étonnant, la narration lente et très précise mais très intéressante et l’auteur réussit à nous faire entrer dans chaque personnage avec sa vision propre. Le narrateur s’efface ou du moins, il est quasiment autant de narrateurs que de personnages sans qu’on ressente de rupture. C’est un livre étonnant dont je conseille la lecture.Et puis, une fois n’est pas coutume, nous avons téléchargé le dernier Goncourt. Je lis rarement « à chaud » un livre goncourtisé, quand je le lis mais cette fois, l’auteur dont nous avons écouté plusieurs interviews et lu des extraits de son livre l’Anomalie nous a vraiment accroché. En plus Hervé Le Tellier est un oulipiste passionnant qui était familier de l’émission des Papous dans la tête avant que cette émission s’arrête il y a quelques années.
J’ai récemment écrit le poème qui suit, en adieu au village crétois où j’aurai vécu durant quinze mois.
MARCHER EN SILENCE
Tu marches dans La Montagne.
Tu arrives au réservoir sur la crête
Le vent est tombé, l’eau clapote apaisée.
Silence et plein soleil !
Saint-Ilias en face veille
Sur les vallées que les herbes parfument.
Les odeurs dansent, sauge, thym, origan
Effluves du fenouil sauvage
Eucalyptus qui bordent le chemin.
Tu marches en silence
Mais tout parle ici à sa manière
Même ton chien qui régulièrement s’assure
En se retournant que tu le suis bien.
Nul autre promeneur, il n’y a pour un paysan,
Aucune raison de ne rien faire.
Qui marche ici cultive l’olive millénaire.
Pourtant ce matin un vieux crétois
Qui ne te voit pas, se glisse, un panier à la main
Dans un coin à champignons de lui seul connu,
C’est sa raison de marcher d'un pas fatigué.
Novembre avance, l’olive est mûre.
La montagne s’anime, arrivent les cueilleurs,
Le paysage s’emplit d’échos sonores,
De moteurs, de groupes électrogènes,
De perches électriques aux embouts rotatifs
Qui peignent les branches d’où tombent les fruits
Dans les filets verts étendus sur le sol.
Tu quittes maintenant les oliviers bruyants
Pour les orangers silencieux.
Dans leurs branches, à côté des fruits mûrs
Demeurent quelques fleurs attardées
Qui exhalent l’odeur du silence retrouvé.
Décembre approche, tu prépares ton retour.
Il te faut quitter le soleil, le vent
La mer Égée et celle de Lybie
Les arbres, les fleurs, les fruits,
Saint Spiridon, Saint Ilias, la montagne,
Les silences partagés avec ton chien
Tout le long des chemins quotidiens.