La Crète en septembre 2022

Nous sommes partis en avion de Nantes pour Héraklion le 16 septembre dernier. De l'aéroport d'Héraklion, nous avons expérimenté le car. Il y en a peu, Sitia étant au bout Est de l'île, beaucoup moins touristique que les autres régions. Jusqu'à Agios Nikolaos, à 65KM d'Héraklion, pas de problème, c'est bien desservi. Sitia, à la même distance, mais après Agios Nikolaos, est le parent pauvre. En revanche, la route est magnifique. Nous l'avons faite maintes fois en voiture mais en car c'est mieux pour voir le paysage car on est en hauteur sur la route. Les plongées de falaises vers la mer sont beaucoup plus spectaculaires. Les côtes sont parfois à pic et parfois plus douces et arrondies mais la mer est toujours présente. Son bleu est inimitable et vire parfois au bleu clair et à l'émeraude lorsque les fonds sont sableux près des rivages.

A Sitia nous attendaient Alexandra et Michèle, installées depuis une semaine et séduites par la beauté encore sauvage des environs de Sitia.

Sitia est une petite ville très vivante où un certain nombre de Français d'Anglais et d'Allemands vivent à l'année, soit parce qu'ils sont tombés amoureux du lieu, soit parce que la vie est beaucoup moins chère qu'en France, l'immobilier en particulier, soit les deux. Deux couples de navigateurs Français qui ont longuement sillonné toutes les mers du globe depuis leur prise se retraite, ont acheté ici une maison ou un appartement, pour se poser, séduits par la tranquillité et la beauté de la nature au moment où l'âge nécessite de se fixer.

 Nous avons retrouvé avec plaisir des lieux magnifiques, les plages en premier lieu où l'eau était encore à une température de 22° et le monastère de Toplou à une quinzaine de km sur la pointe est de la Crète, où vivent encore quelques moines. Monastère très réputé où sont produits vins bios, miel et confitures de grande qualité.

Nous avons refait la randonnée de Richtis, une gorge très encaissée et très humide où la végétation est presque tropicale par endroits.

Peu de temps après, à la fin du mois, nos amies fêteront l'anniversaire d'Alexandra à Venise et profiteront de la Biennale. Alexandra nous ayant demandé pour cadeau de les y rejoindre, nous nous envolerons pour faire un "saut" en Italie pour 4 jours avec une escale à Athènes (Cf. article suivant : Venise sous le signe de la peinture).

Adieu provisoire à Sitia en juin 2022

Demain c'est le départ. Retour en France mais, milieu septembre retour à Sitia. J'ai fini la bibliothèque avant de partir. Elle profitera aux occupants suivants de l'appartement.

A Heraklio, nous prenons le ferry le soir pour le Pirée (9h de traversée, arrivée à 6h30) ; à Athènes ballade d'une demi-journée puis autoroute pour Patras. Ferry pour Ancône (20h de traversée) puis Milan, Aoste, le tunnel du Mont Blanc. Puis autoroute pour Paris. Ouf..., fatiguant ! Mais beau voyage et nous aimons le côté "aventure" des traversées en ferry.

Au cours de notre séjour nous avons enfin pu voir la reconstitution du bateau minoen exposé à l'ancien arsenal de Hania (La Canée).

Il y a deux ans, la covid ne permettait pas la visite. C'est un bateau qui a été construit en 2002 à l'occasion des jeux olympiques d'Athènes en 2004.

Une superbe double aventure, d'abord l'exploit historique et technique et l'exploit sportif de relier Hania au Pirée à la rame. Même avec 20 rameurs, ce n'est pas une mince affaire. La voile est peu utile, très petite par rapport à la taille du bateau. Les plans ont été réalisés à partir de diverses sources assez peu nombreuses, dessins sommaires sur des pièces de monnaie. Une seule fresque célèbre, de Santorin, représente un bateau de ce type. Les matériaux sont modernes mais le cyprès pour la coque et la quille est le même que celui qu'utilisaient les minoens. Miracle de la coopération entre des archéologues, historiens, charpentiers, informaticiens, j'ai admiré avec émotion cette reconstitution d'un navire datant de près 2000 ans avant JC. La flotte des minoens, marchands plus que guerriers était très importante et sillonnait toute la méditerranée vers la Sicile, l'Anatolie, Chypre, le moyen Orient ou l’Égypte.

Vie quotidienne à Sitia

Découvrir un pays, des personnes, des habitudes de vie différentes de la sienne est un plaisir et une source permanente d'interrogation. Il y a de nombreux exemples, que ce soit dans les habitudes quotidiennes de vie ou les relations humaines. Le point commun est dans une certaine lenteur avec ses avantages et inconvénients dans un contexte économique difficile. Sur certains points j'ai l'impression de retrouver la France de mon enfance dans les années cinquante (le siècle précédent...). Les gens se débrouillent avec ce qu'ils ont, l'Est-crétois est encore très rural et familial. La solidarité et l'hospitalité sont fondamentales. Les gens adorent qu'on s'intéresse à ce qu'ils font et qu'on s'efforce d'apprendre leur langue qu'ils jugent eux-mêmes difficile (ce que nous faisons avec grand plaisir). Ainsi récemment, comme je cherchais des planches de bois, introuvables car aucun magasin n'en vend sinon de grosses planches pour le bâtiment, la solution s'est présentée par hasard. Nous étions dans le magasin d'une entreprise familiale de meubles à Agios Nicolaos (saint Nicolas) entre Héraklio et Sitia, pour commander une table qui n'était pas en stock. Comme nous voulions aussi une petite table de chevet en bois brut, semblable à un modèle exposé mais ce dernier en mélaminé, la responsable de magasin m'a envoyé vers l'atelier, voir son père, le chef d'atelier, pour lui demander un modèle sur mesure. C'était un homme de mon âge, d'abord méfiant, n'appréciant pas trop que je m'approche des machines. Il parlait peu Anglais, pas plus que moi le Grec. Le dessin de ma bibliothèque fut notre moyen de communication et nous a très vite permis d'échanger. Il a repris mon dessin avec agilité, avec son petit bout de crayon. Ensuite on a regardé ensemble ce qu'il pouvait faire. Comme il écrivait en Grec, j'en profitais pour lui demander la prononciation des mots et il s'est aperçu que faute de le parler, je savais le lire. Il était ravi et tout cela a permis de passer les commandes de la table de chevet et des planches à dimension. La livraison est prévue mardi prochain. J'aurai le temps de fabriquer la bibliothèque avant notre départ pour la France (lundi 20 juin). Nous avons donc finalement trouvé des planches bien que ce ne soit pas dans leurs habitudes. Les gens d'ici sont peu bricoleurs. Chose intéressante par ailleurs, comme je demandais au chef d'atelier comment on disait menuisier en Grec, il m'a répondu par le mot "epiploplio" signifiant "fabriquant de meubles".

Il n'y a pas ici de grandes chaînes de commerce. Un artisanat familial avec de petites entreprises comme la menuiserie précédente. Nombre de magasins perdurent malgré l'existence de chaînes de distribution. Mais ces dernières n'ont que des supermarchés, pas d'hyper. Un grand supermarché ici est l’équivalent d'un Super U de ville en France. Anecdote : à Heraklio, il y a un magasin Ikea qui est très amusant pour nous car minuscule. On ne peut quasiment rien acheter, uniquement commander.

Le plus plaisant, dans la vie ici, est dans le temps qu'on prend, on ne se presse pas. Mais les gens sont parfois déconcertants comme ces artisans qui n'honorent pas leurs rendez-vous, ce qui n'est pas rare, ou qui vous appellent à l'imprévu pour vous proposer de venir dans une heure.

Sitia est une petite ville encore très paisible et il faut espérer que le tourisme ne l'envahira pas trop. Pour l'instant, ce n'est pas le cas et beaucoup d'étrangers s'installent ici durablement, pas en touristes consommateurs de plages. Il y a dix jours nous avons eu l'occasion lors de notre voyage dans l'ouest de fréquenter certaines plages, très touristique pour l'une d'elles qui est exceptionnelle, c'était absolument insupportable, un super marché international du soleil et de la mer. Ici à l'inverse c'est encore très familial et traditionnel (adjectif qui se dit "paradosiako" que j'aime beaucoup pour sa proximité avec "paradis").

Depuis milieu mai, le temps est très beau et, certains jours, très chaud (30°). La mer a pris 4 degrés depuis début mai pour atteindre actuellement 22 à 23 degrés. Sa température atteindra 25 à 26 degrés en août.

La proximité du retour en France ne nous chagrine malgré tout pas trop car nous allons enfin récupérer notre appartement à Nantes qui nous sera livré le 28 prochain et aussi parce que nous reviendrons milieu septembre. Ca ne serait pas le cas, ce serait plus difficile.

Belles découvertes

Nous venons de passer une semaine à visiter des lieux que nous ne connaissions pas à l'ouest de la Crète et revoir des gens ou des lieux que nous aimons particulièrement, comme ce tout petit village nommé Topolia où un jeune homme d'une trentaine d'années, restaurateur naturellement bio (car c'est pour lui une évidence) récolte un miel exceptionnel. Nous lui avons acheté aussi des olives noires qui sont conservées directement dans le sel, sans saumure contrairement à ce que nous connaissons à Sitia. Une pure merveille. Il est fils de paysan, heureux de faire partager sa passion et de vendre ses productions et celles de ses parents (miel, confitures, huile d'olive, charcuteries...). Sa taverne surplombe la gorge de Topolia que nous n'avions parcourue qu'en partie il y a deux ans car de gros orages et des pluies diluviennes avaient provoqué des éboulements importants. Le paysage est magnifique et manger de bonnes choses dans ces conditions est un double plaisir.

Parmi nos découvertes, un village de potiers entre Rethymnon et le massif du Psiloritis (mont Ida de la mythologie, plus haute montagne crétoise qui culmine à 2500 mètres). Le village s'appelle Margarites. C'est très joli, par moments un peu envahi par les touristes quand un ou plusieurs cars d'organisateurs de voyages y font une halte mais on y trouve malgré tout de belles choses. On voit les potiers travailler, certains sont de bons artisans mais peu créatifs, d'autres vraiment intéressants. C'est de bonne qualité et malgré le tourisme, beaucoup moins cher qu'en d'autres lieux, notamment en ville.

Autre découverte formidable, le village de Fodélé, dans une petite vallée des contreforts du Psiloritis où El Greco serait né. On visite sa maison supposée, magnifique, traditionnelle, en pierre, cachée dans la verdure entre platanes caroubiers et oliviers, pour certains multicentenaires. Comme la Grèce ne possède que deux des tableaux du peintre (de son vrai nom Domenichos Théotokopoulos), une solution originale a été trouvée. Seules sont exposées des reproductions de très belle qualité en diapositives rétroéclairées de la taille des originaux.

C'est une peinture très marquée par la mystique religieuse dont je ne suis pas vraiment friand mais il faut reconnaître qu'il avait un talent extraordinaire. Parmi les tableaux, j'ai photographié celui de la passion du Christ que je trouve époustouflant dans son genre et que je qualifierai par cet oxymore de sombrement lumineux.

Sa maison était proche d'un monastère et d'une magnifique petite église byzantine dont une partie date du VIII° siècle (des piliers subsistent, qu'on voit sur la photo de titre) mais qui a été reconstruite au XI°.

Enfin, pour terminer puisque je viens de parler d'un grand artiste, voici en avant première, un hommage à un autre grand parmi les grands : Michel-Ange. C'est l'un des vingt textes que je vais publier dans mon prochain recueil, que j'avais commencé en Italie l'année dernière en visitant la Galleria dell'Academia à Florence où sont conservés les esclaves de Michel-Ange et que j'ai terminé récemment. Je publierai le recueil cet été. N'hésitez pas à m'en commander (6€ + frais éventuels d'envoi).

Bonne lecture et à bientôt.

MICHEL ANGE

Dans le brouillard minéral

Des montagnes de Carrare

Tes yeux perçaient le mystère

Des corps sertis dans la pierre.

Dans les épaisseurs

Tu sentais les vies prisonnières

Que ton ciseau révélait

Et dégageait des veines du marbre.

Tu arrachais à leurs gangues

Les vies emmurées

Au milieu des carrières

Où ton art les sentait vibrer.

Frère de la pierre aux gestes sûrs,

Accoucheur de corps et de visages,

En les sortant des rochers,

Tu inventas l’éternité.

De nouveau la Crète

Notre appartement est situé tout en haut de la ville sur la colline. La photo principale est une vue nocturne sur la baie de Sitia depuis notre terrasse. C'est une grande terrasse qui donne à l'est. Le matin nous avons beaucoup de soleil de face dès 6h puis vers 7h nous nous protégeons avec le store quand il est déjà assez haut et aveuglant.  Il fait très beau et très chaud. Au début nous avons eu des vents d'est qui nous apportaient du beau temps mais un peu frais malgré le soleil ; et d'ouest, peu agréables, porteurs de nuages. Depuis deux jours, le vent du nord semble s'installer, je pense que c'est le fameux "meltem" de la mer Égée qui souffle tout l'été et rend la chaleur plus supportable mais qui peut aussi générer du bon frais voire des tempêtes sur les Cyclades en plein été. Ici c'est beaucoup plus modéré, nous sommes très au sud de la mer Égée.

Depuis notre arrivée, le 05 mai, nous nous baignons tous les jours. Au début la température de l'eau était de 17 à 18°. Maintenant elle est un peu plus chaude, vers 20° mais avec des courants un peu froids parfois. Chaque jour, ça s'améliore et c'est vraiment délicieux. Je fais du paddle tous les jours.

 Depuis la France j'avais un    problème de dent. J'ai expérimenté dès mon arrivée les soins dentaires dans un cabinet libéral. Rendez-vous immédiat, grande disponibilité, excellent praticien, prix imbattable. 4 rendez-vous en trois semaines ont abouti à une couronne pour 300€ en tout. J'ai eu aussi à expérimenter l'ophtalmo. Examen complet et fond de l’œil pour 20€ mais surtout, rendez-vous immédiat sans avoir téléphoné auparavant, idem avec le cardiologue chez qui l'ophtalmo m'avait prescrit un examen complet. J'ai eu 3 rendez-vous, contrôle 24h avec l'appareil spécial puis test d'effort. A chaque fois je me présentais sans rendez-vous et le médecin me prenait immédiatement. Monique a eu un bouchon dans l'oreille, on est allé frapper chez l'otorhino qui le lui a immédiatement retiré après un examen. Consultation à 20€. Quand on est habitué à des délais parfois longs pour un rendez-vous de spécialiste en France, c'est assez surprenant. Mais c'est très agréable de trouver des médecins disponibles et compétents. En novembre dernier j'avais eu l'expérience de l’hôpital pour une blessure suite à une chute sur un rocher. Les urgences de l’hôpital de Sitia sont plutôt à éviter. En revanche les soins libéraux sont excellents et une amie grecque nous a dit que les spécialistes crétois ont effectivement une réputation de grande compétence. Un argument de plus pour ce pays si sympathique et si attachant. Un bémol néanmoins, la faible fréquentation des médecins libéraux par les crétois est certainement à mettre au compte de la cherté de la vie pour eux qui ont encore un pouvoir d'achat très bas et pas encore remis de la crise économique des années 2007/2008. Les soins dentaires ou ophtalmo ou de spécialistes en général ne sont pas leur préoccupation majeure. En revanche l'hôpital est très fréquenté car gratuit.

Sitia vit autant la nuit que le jour. Nombreux sont les restaurants et cafénios qui restent tard ouverts. Le mardi soir l'un d'eux accueille des musiciens qui jouent de la musique traditionnelle et chantent, c'est le Rébético qui s’accompagne souvent de danse. En général il y a plusieurs instruments, au moins une guitare et un  bouzouki, et parfois un violon et un tambourin mais il peut y avoir d'autres instruments comme le santouri. Près de chez nous, un cafénio traditionnel (traditionnel en Grec se dit d'un joli mot : paradosiako) met à disposition des consommateurs des instruments. Parfois tout le monde chante. Une fois j'ai joué un peu de guitare et chanté. C'est une ambiance très chaleureuse et copieusement arrosée de raki, eau-de vie qu'ici les hommes ont tendance à malheureusement consommer sans modération.

La nuit, nous avons une belle vue sur les lumières de la ville et c'est très agréable de se tenir sur la terrasse pour profiter de la fraîcheur qui, en cette saison, arrive rapidement après le coucher de soleil. Le quartier est calme et cela ajoute à la quiétude de ce lieu où nous nous sentons vraiment bien.